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Le blog de Tout n'est que litres et ratures par Roger Feuilly

Au quotidien, la cuisine selon les saisons, les vins selon l'humeur, la littérature qui va avec, les bistrots et les restaurants, les boutiques qui nourrissent le corps et l'esprit, bref tous les plaisirs de bouche et de l'âme.

Paris : le plus célèbre restaurant du monde, « Le Café Riche », ça vous dit quelque chose ?

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C’est à Hérisson, dans l’Allier, que naît, le 26 juin 1816, Louis Bignon. C’est là aussi que, toute sa vie, il continua d’agrandir et de moderniser une exploitation agricole. Mais c’est là une autre histoire. Ce n’est que trente ans plus tard que, devenu Bignon Aîné, il sera l’un des plus célèbres restaurateurs de Paris. Son « Café Riche », à l’angle des grands boulevards et du numéro 1 de la rue Le Peletier, aura la réputation d’être le premier restaurant au monde : lui sera en tout cas le premier restaurateur à être décoré, en 1867, de la Légion d’honneur. Il avait débuté dans les cuisines du « Quai d’Orsay », le ministère des affaires étrangères, puis avait été garçon de café de « La Minerve », au coin de la rue Montpensier. Sa première notoriété parisienne date du « Café Foy » - qui deviendra ensuite « Paillard - qu’il acquit en 1843, à l’angle de la Chaussée d’Antin et du boulevard des Italiens et qu’il cédera ensuite à son frère en 1847 alors que celui-ci venait d’épouser la fille d’un des propriétaires d’un autre établissement renommé, les « Frères Provençaux ». Rossini était un habitué : il est vrai qu’il logeait à l’étage. Dès l’ouverture de son « Café Riche » - qu’il racheta alors qu’il tombait en déconfiture pour la somme colossale pour l’époque d’un million de francs, le succès fût immédiat : il y avait chez lui tous les paramètres pour que le beau monde, les dandys, les femmes à la mode, les hommes de goût délicat, s’y donnent rendez-vous. Sa cave, en outre, était à la hauteur de la renommée de sa cuisine : le chef-sommelier Caradot prodiguait ses conseils avec les vins les plus authentiques. Bignon disait : « Tous mes crus sont purs et dans leur nature absolue, jamais il n’en est servi une goutte qui ne porte son vrai nom ! ». On y trouve des vins de sauternes du début du siècle, une romanée, un léoville-Barton, du bouzy rouge, mais aussi des johannisberg, du tokai-Esterhazy, du vin de Madère d’âge inconnu et du marsala San Donato parmi bien d’autres. De même, dans ses cuisines, il appliquait des règles d’hygiène inconnues pour l’époque. A l’ouverture, il offrit un dîner à tout son personnel et à quelques amis et personnalités, dont Dumas père qui relatera dans son dictionnaire de cuisine un des mets servis, la soupe aux moules. Les chefs se succèdent : leur nom est indiqué sur une plaque, d’abord Vauquelin, puis Fèvre et Seroulle. En son « Café Riche », Bignon pratiquait une politique de prix très élevés. Lorsqu’un échotier journaliste, Aurélien Scholl, lui fît remarquer, il lui répondit : « Croyez bien que je n’agis là que dans votre intérêt. Pourquoi venez-vous chez moi, vous et ces messieurs ? Pour être tranquilles : pour demeurer entre vous. Eh bien, je n’ai qu’un moyen de conserver à la maison ce caractère d’intimité : c’est d’établir entre vous et le vulgaire une barrière qu’il ne peut franchir ». En 1875, dans le « Paris Illustré » d’Adolphe Joanne, Jules Gouffé indique : « On ne doit y entrer [au Café Riche] qu’avec l’intention de dîner sérieusement, sans se préoccuper du montant de l’addition ». Pendant quarante ans, les Goncourt y auront rendez-vous : on y voit Flaubert, l’éditeur Lévy et son œillet à la boutonnière, le peintre Marchal, Scribe, Baudelaire, Dumas, Offenbach, Ferdinand de Lesseps, Gustave Doré, Maupassant (et son « Bel Ami »), Zola, Tourguéniev. Un exemple d’un souper avec quelques femmes «cachées, discrètes, voilées, mystérieuses » : champagne frappé, du meilleur, du champagne doux, des huîtres d’Ostende, un potage, une truite rose comme de la chair de jeune fille, des côtelettes d’agneau sur un lit épais et menu de pointes d’asperges, des perdreaux flanqués de cailles, des petits pois, une terrine de foies gras accompagnée d’une salade de feuilles dentelées… ». Le « Café Riche » ferma en 1916 pour céder la place à une banque. Une des dernières manifestations gastronomiques qui s’y déroula fut un dîner du « Club des Cent ».

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