2 Décembre 2012
Cher Akrame Benallal, je ne sais si cette critique sera bien reçue, mais elle vous veut du bien. En effet, je ne vous demande pas de tourner la page, mais au moins de la déchirer, de réécrire votre partition. Parce que j’ai une plaisante envie de louer vos efforts, de dresser un éloge flatteur de vos intentions qui m’apparaissent bienveillantes. Et si votre cave est bien et intelligemment fournie dans votre restaurant « Akrame », celle de votre annexe carnassière, « L’Atelier Vivanda », trouve aussi un écho favorable, avec de bien jolis crus comme le crozes-hermitage de Mathieu Barret, le petit – pas si petit – vin de pays de Bernard Grippa, « Cerise », alors que je regrette de n’y point trouver un seul vin du Beaujolais. En revanche, par ailleurs, il y aurait beaucoup à dire en votre « Atelier » qui ne paraît point être celui du maître auquel vous aspirez. Approximations et légèretés sont parmi les mamelles pas si tendres de cette table qui débute certes, mais est tant vantée par la critique que je me demande à quel aveuglement elle a cédé. N’y aurait-il pas là quelque copinage plutôt coupable ? Et n’êtes-vous pas vous-même assez perspicace pour vous rendre compte que cela bat un brin de l’aile chez vous ? Dès l’abord, je veux dire l’entrée, nous comprenons qu’il faudra payer la note du teinturier pour cause d’odeur de graillon suspecte (cuisine ouverte et mauvaise ventilation). A peine assis, autour d’un billot en bois minuscule et au coude-à-coude avec des voisins dont la conversation trouble hélas notre appétit, il fallut bien nous rendre à l’évidence : nous venions à deux avec la bienveillance de ceux qui s’attendent à passer un bon moment et notre attente sera déçue. Vous vous faites ici l’apôtre de la viande à travers celle fournie par la boucherie Metzger (bien connue à Rungis et qui sert également le nouveau restaurant de Georges Blanc à Lyon, « Le Centre »). Pourtant, cela suffit-il à nous régaler ? Rien n’est moins sûr. Boeuf d'angus d’accord, mais voilà une viande bien fade, persillée certes, mais pas vraiment rassie comme on l’aime, et du reste mal cuite, pas comme nous l’avions demandée (entrecôte XXL de 500 grammes à point au lieu de saignante et 20 euros de supplément, basse côte de 300 grammes saignante au lieu de bleu). Et que dire encore du potage Parmentier un brin brûlé, de la toute petite (mais bonne) mousse de foie, de la banalité d’une verrerie pas engageante, du service qui peine à suivre et d’une addition somme toute pas donnée (menu à 35 euros, addition à 63 euros par personne) dès lors que l’on vous quitte insatisfait ? C’est pourquoi, certaines fois, il faut non pas tourner la page, mais la déchirer. Ce n’est jamais une erreur de corriger ce qui ne va pas, même quand on est la coqueluche du Tout-Paris qui vous encense : Sacha Guitry ne disait-il pas que, dans la salle, le public n’avait pas toujours du talent ? – L’Atelier Vivanda » - 18, rue Lauriston (Paris 16e). Tél. : 01 40 67 10 00. Fermé samedi et dimanche. Jusqu’à 22 h. M° Charles-de-Gaulle-Etoile ou Kléber.