Au quotidien, la cuisine selon les saisons, les vins selon l'humeur, la littérature qui va avec, les bistrots et les restaurants, les boutiques qui nourrissent le corps et l'esprit, bref tous les plaisirs de bouche et de l'âme.
3 Mai 2013
« Paris a en abondance tout ce qui peut être désiré. Les marchandises de tous les pays y affluent ; les vivres y sont apportés par la Seine, de Picardie, d’Auvergne, de Bourgogne, de Champagne et de Normandie. Aussi, quoique la population soit innombrable, rien n’y manque : tout semble tomber du ciel. Les bouchers, les marchands de viande, les rôtisseurs, les revendeurs, les pâtissiers, les cabaretiers, les taverniers s’y trouvent en telle quantité que c’est une vraies confusion : il n’est rue tant soit peu remarquable, qui n’en ait sa part. Voulez-vous acheter les animaux au marché, ou bien la viande ? Vous le pouvez à toute heure, en tout lieu. Voulez-vous votre provision toute prête, cuite ou crue ? Les rôtisseurs et les pâtissiers en moins d’une heure, vous arrangent un dîner, un souper pour dix, pour vingt, pour cent personnes ; le rôtisseur vous donne la viande, le pâtissier les pâtés, les tourtes, les entrées, les desserts ; le cuisinier vous donne les gelées, les sauces, les ragoûts. Cet art est si avancé à Paris qu’il y a des cabaretiers qui vous donnent à manger chez eux, à tous les prix, pour un teston, pour un écu, pour quatre, pour dix, pour vingt même par personne, si vous le désirez. Mais pour vingt écus on vous donnera la manne en potage ou le phénix rôti ; enfin tout ce qu’il y a au monde de plus précieux. Les princes et le roi lui-même, y vont quelquefois. » - Jérôme Lippomano, Ambassadeur de Venise, 1577. – Quatre siècles plus tard, entre les deux guerres, Georges Duhamel répond à sa manière : « La cuisine française est donc ce qu’on dit qu’elle est, parce que la France est un heureux pays qui prépare en même temps l’huile d’olive et le beurre fin, le vin et la bière, qui récolte des châtaignes et des oranges, du seigle et des citrons ; qui élève des bestiaux, ménage son gibier, broie son froment, cultive une foule de légumes, même ceux de faible et de mauvais rapport ; invente des fromages, distille des eaux de vie, distingue les champignons, récolte du miel, pêche des poissons, fabrique du sucre, honore les œufs, ne méprise rien de ce qui se mange, même pas les grenouilles, même pas les truffes… ».