10 Janvier 2014
Dans une discrétion qui confine avec le secret, cette adresse mérite plus que le détour, comme le dirait le guide « Michelin » qui, d’ailleurs, lui attribue un modeste couvert alors qu’un Bib gourmand serait bienvenu. Mais Denis Croset (photo devant la grande ourse due à Pascal Pistacio) ne donne pas dans le grand genre médiatique, il livre avec sagesse sa partition, lui qui fût pourtant le chef brillant du « Bellecour » étoilé (rue Surcouf dans le 7e) sous la houlette de Gérald Goutagny, livrant là-bas son expérience acquise chez de grands étoilés, notamment « Le Quai des Ormes » et « La Côte Saint-Jacques », avant de s’installer quelques années au « Baptiste » (rue Jouffroy-d’Abbans dans le.17e). Ici, depuis quatre ans, dans un élégant et très soigné décor minimaliste aux chromatismes prune et capucine, sur une calme placette où l’on dresse une terrasse avenante dès les beaux jours, il cuisine à deux mains pour une cohorte d’habitués et bien d’autres. Quelle musique nous joue-t-il au gré du marché ? Celle d’un classicisme avéré, jamais pris en défaut, offrant les produits au plus près de leur goût. Et le chef fait le service lui-même, toujours prévenant et racontant ses plats avec justesse. Ainsi en va-t-il au déjeuner très sagement tarifé du velouté de panais et sa julienne de jambon cru, du pâté de tête de cochon persillé, des petits poivrons rouges farcis de chèvre frais, du cabillaud rôti à la pomme purée aux œufs de harengs fumés, de la bavette relevée d’une sauce au foie gras pointue et de filets de canette dans un jus au caramel d’épices joliment fluide flanqués d’une polenta crémeuse. Mais il y a aussi le formidable tartare d’huîtres à la crème de beaufort et feuilles de moutarde qui était une de ses spécialités jadis, le foie gras de canard cuit au torchon maison avec une marmelade de fruits secs, la morue fraîche poêlée au four, avec un bouillon de tomates parfumé au gingembre et son écrasée de pommes de terre, la côte d’un veau bien né aux cèpes et l’entrecôte aux échalotes confites et aux pommes grenailles avant des issues sucrées qui ravissent, comme le mille-feuille aux fraises, le sablé croustillant, pomme fondante, glace vanille et caramel laitier et le délice au chocolat amer ou le chaud-froid de poires aux épices, sans oublier les fromages affinés de la voisine maison Boursault et la baguette croustillante, bien cuite, à la mie crémeuse. Les vins viennent plaisamment en contrepoint, entre chardonnay subtil de Loire-Atlantique, brouilly de Joubert, bourgueil « Jour de soif » de Gauthier et chinon « Gabarre » de Grosbois. Tout est frais, vif, dans un bel esprit, vous êtes à Paris, dans la grand-ville, mais c’est ici un havre de force tranquille, avec une cuisine qui sera à tout jamais indémodable. J’ajoute que les prix sont de bon ton, collant à l’époque avec raison. Allez sans réticences aucune dans cette constellation de la grande casserole, parce que voilà l’un des meilleurs témoins de la qualité à la française. Bon appétit et… large soif ! – « La Grande Ourse ». 9, rue Georges-Saché (Paris 14e). Tél. : 01 40 44 67 85. Fermé samedi au déjeuner, dimanche et lundi. Jusqu’à 22 h. Menus : 18 et 22 € au déjeuner (plat unique 15 €), 33,50 et 37 € au dîner. Carte : 35-55 €. M° Gaité, Mouton-Duvernet ou Pernety. Site : www.restaurantlagrandeourse.fr