Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog de Tout n'est que litres et ratures par Roger Feuilly

Au quotidien, la cuisine selon les saisons, les vins selon l'humeur, la littérature qui va avec, les bistrots et les restaurants, les boutiques qui nourrissent le corps et l'esprit, bref tous les plaisirs de bouche et de l'âme.

Ernest Ferroul, un exemple de probité politique à méditer : « Citoyens, je tiens mon pouvoir de vous, je vous le rends ! », ça vous dit quelque chose ?

Ernest Ferroul, un exemple de probité politique à méditer : « Citoyens, je tiens mon pouvoir de vous, je vous le rends ! », ça vous dit quelque chose ?
Ernest Ferroul, un exemple de probité politique à méditer : « Citoyens, je tiens mon pouvoir de vous, je vous le rends ! », ça vous dit quelque chose ?

 

Un y a un siècle, le jeudi 29 décembre 1921, à midi et demi, lorsque le glas du beffroi de l’hôtel de ville, annonce le décès du docteur Ernest Ferroul, socialiste de la première heure, maire de Narbonne (1891-1897 et 1900-1921), né au Mas-Cabardès dans l’Aude le 13 décembre 1853, c’est une grande figure de la viticulture du Midi qui disparaît.

Il a été le Président de la Confédération générale des vignerons pendant quinze ans (1907-1921). Mais aussi l’homme qui avait déploré le retour au pouvoir de Clémenceau en 1917, "en souvenir de l’énergie qu’avait déployée le Tigre à réprimer les mouvements viticoles de 1907" (La République sociale", le journal des socialistes), et cela bien que les socialistes narbonnais adoptèrent une attitude favorable à la défense nationale et à l’union sacrée pendant la Grande Guerre. « Les gens sont en état de choc », raconte Georges Ferré, historien, qui lui a rendu un vibrant hommage dans un discours le jour anniversaire de sa mort. 

Il ajoute : « La mort de Ferroul n’est pas seulement le deuil de sa propre famille, c’est celui de tous les Narbonnais, celui du Félibrige, celui de la viticulture méridionale, celui du parti socialiste ». Voici ce qu’il a dit ce jour-là : « Narbonne fait à Ferroul des funérailles grandioses. Le lundi 2 janvier 1922 : 100.000 personnes assistent aux obsèques. De Provence, de Gascogne, de Champagne… arrivent des délégations, pour rendre hommage au « Grand Ferroul » qui, en 1907, avait entrainé le Midi dans une désobéissance civique, que Clemenceau désemparé, ne stoppa que dans un bain de sang. 
En famille on vient voir le cercueil du bon docteur qui, à l’époque où n’existait pas la sécurité sociale, soignait gratuitement les plus démunis, n’hésitant pas à laisser quelques pièces de monnaie pour l’achat des médicaments. On vient voir le cercueil de ce maire qui avait augmenté les bourses d’étude, exonéré les pauvres de la contribution mobilière, de la taxe d’octroi sur le grappillage, mis l’électricité dans les demeures, assaini la ville… 

En début d’après-midi du lundi 2 janvier, les funérailles commencent aux accents de la « Marche funèbre » de Chopin. Puis ce sont les discours de circonstance… On souligne sa générosité que chacun pouvait mesurer en se rendant à son domicile, aux heures des repas : sa domestique distribuait de la nourriture aux pauvres venus en réclamer… On souligne sa probité, son désintéressement : en 1904, il avait abandonné son mandat de député pour se consacrer uniquement à la gestion de Narbonne. 

Dans le cortège funèbre on pense à ses coups de gueule, à ses gestes symboliques forts, ceux de 1907. On se souvient de la grève municipale qu’il décréta à Narbonne le 10 juin en jetant son écharpe de maire à la foule venue l’acclamer, avec cette phrase mythique : « Citoyens je tiens mon pouvoir de vous, je vous le rends ! » Une attitude qui lui avait valu la prison, mais aussi, à l’issue de la crise, une élection à la tête de la Confédération générale des vignerons. 

Maintenant, le cortège funèbre, arrive au cimetière Cité. « Le Cers, comme pour participer au deuil, souffle en rafales, faisant claquer bannières et drapeaux rouges, péniblement retenus. » Ces drapeaux rouges qui flottent au vent sont ceux des chambrées socialistes de la région. Ferroul était socialiste. Il avait participé à la fondation du Parti Ouvrier Français avec Jules Guesde. Il avait participé à de nombreuses luttes à Fourmies, à Carmaux, toujours au premier rang. Mais il ne s’était jamais laissé enfermer dans un système. 

L’Éclair, journal monarchiste de Montpellier, évoque ainsi sa personnalité : « La grande force et la sagesse du docteur Ferroul ce fut de demeurer à Narbonne, provincial et terrien. Certes, il mit toujours un point d’honneur à se réclamer de son parti, cela ne l’empêchait point d’en déplorer les faiblesses et les fautes… Las des batailles pour des mots et des places il cherchait avidement ce qui pouvait unir les enfants de la même cité… » - 

À Narbonne, chaque 29 décembre, les municipalités de toutes sensibilités mettent les drapeaux en berne. Un boulevard, une rue, un club, portent son nom ; sa statue se dresse boulevard Frédéric-Mistral. Et puis, raconte Georges Ferré (NDLR - Ce dernier nous a quittés le 24 mars 2020), « Il y a nous aujourd’hui rassemblés, pour lui rendre hommage, après sa mort…  voilà un siècle. Un hommage qui ne se veut pas une démarche nostalgique, mais une démarche qui veut rappeler le souvenir d’un homme libre, le souvenir d’un élu de la République, qui à tout moment de son existence a su s’élever au-dessus des opinions partisanes, pour se consacrer au bien public. » 

Bonne lecture, bon appétit et large soif !

- On lira aussi : Ferroul, ni Dieu ni maître », par Georges Ferré (Editions Loubatières, 1997) et « Dictionnaire du Mouvement Ouvrier Français », publié sous la direction de Jean Maitron (Editions Ouvrières, 1986). –

Site de Georges Ferré : www.ame-du-vin.fr


 

Ernest Ferroul, un exemple de probité politique à méditer : « Citoyens, je tiens mon pouvoir de vous, je vous le rends ! », ça vous dit quelque chose ?
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article